Tirer les rideaux 🎭
Zéro inspiration pour ce sous-titre. Par contre, un tout petit évènement m'a beaucoup inspirée pour cette petite lettre.
Hier, pleins de bébés hannetons se sont envolés dans le jardin. Il m’a fallu un fameux temps pour comprendre que c’était des hannetons tellement ils étaient rikiki. Patauds, ils voguaient d’un brin d’herbe à l’autre, gesticulant pour se retourner (il faut bien apprendre !), gigotant pour replier leurs ailes sous leurs élytres cuivrées. Dans quelques mois ils seront prêts pour leur grand spectacle, je me souviens encore de celui de leurs parents l’année passée qui virevoltaient autour de la vigne dans un vrombissement infernal.
Le monde a ses cycles. Demain ce sera de nouveau la pleine lune, le temps passe vite. Depuis que j’ai retrouvé de l’énergie, j’ai moins le temps de me sentir présente, vraiment là, à observer le rythme des choses. Je me souviens des après-midi passées aux côtés de mes grands-mères, à suivre leur rythme et à sentir le temps s’étirer comme l’élastique qu’elles m’apprenaient à coudre. Prendre le temps d’être là, à observer, sans rien faire et d’être bien. Sentir que les choses sont à leur place telles qu’elles sont. Dans un livre que je dévore et qu’une amie m’a prêté1, je découvre un poème :
“Mettre au propre la matière. Remettre à leur place les choses que les hommes ont dérangées. Parce qu’ils ne comprenaient pas à qui elles servaient. Remettre droit comme une bonne ménagère de la réalité. Les rideaux des fenêtres de la sensation et les paillassons aux portes de la perception. Balayer mes chambres de l’observation et secouer la poussière des idées simples. Telle est ma vie, vers par vers.” Fernando Pessoa, 17 septembre 1914.
Le cycle que je traverse pour le moment est d’apprendre à voir et à agir non pas depuis les constructions mentales qui ne peuvent que se multiplier par copié-collé, mais s’autoriser à le faire à partir de son ressenti, à partir de la matière, du toucher, de la sensibilité, de la poésie. Le chemin semble long pour déconstruire brique par brique les murs d’une prison qu’on a érigés pour survivre. Prendre un crayon, dessiner une porte et s’envoler. L’esprit est magique, il a besoin d’un bon spectacle pour apprendre à tirer les rideaux lorsque l’envie l’en chante. Sentir les yeux ouverts, être l’acteur de sa pièce, guider ses marionnettes, un jour j’y arriverais peut-être. En attendant, tel un hanneton tout juste éclos, entrainons nous à voler, à vrombir, à replier et déplier nos ailes métaphoriques.
J’apprécie beaucoup d’écrire ces newsletters, je pourrais les faire plus longues ou peut-être simplement en écrire plus souvent ? J’expérimente et j’espère que ça te plait. J’adorerais avoir ton retour, recevoir tes pensées si jamais tu prends la plume. Je te souhaite une journée pleine de douceur, une journée juste. A la prochaine !
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JULIEN Éric. Kogis, le chemin des pierres qui parlent. Actes Sud. 2022.